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29 mars 2015

Le paradoxe des mesures sécuritaires fragilisantes

Le récent suicide d’un pilote ayant précipité avec lui 150 passagers du vol 4U9525 de la Germanwings fait couler beaucoup d’encre sur les failles des dispositions sécuritaires en vigueur dans la plupart des compagnies aériennes européennes. Le point mis en cause est l’absence de règles rendant obligatoire la présence permanente de deux personnes dans le cockpit durant le trajet.

7777119923_des-avions-de-la-compagnie-germanwings-le-24-mars-2015Le point majeur est ici de savoir quelles dispositions adopter dans l’hypothèse où l’une des personnes en charge des commandes est contrainte de s’absenter (en cas d’urgence ou pour des raisons physiologiques). Les règles actuellement en place pour la plupart des compagnies aériennes européennes sont les suivantes :

"...Après la sortie d’un des deux pilotes ; la porte se referme automatiquement. Pour accéder de nouveau au cockpit, le pilote entre un code digital qui prévient, via une sonnerie, le pilote resté aux commandes qui peut alors ouvrir de l’intérieur après avoir contrôler sur un écran que l’autre est bien seul. En cas d’absence de réponse, le personnel de bord dispose d’un code d’urgence qui permet d’ouvrir la porte depuis l’extérieur. Cependant, dans le cockpit, le pilote aux commandes peut bloquer la porte grâce à un bouton de fermeture ..."

 Si ces règles prévoient clairement la possibilité qu’un pilote puisse s’absenter, nous constatons qu’aucune disposition ne mentionne une obligation à maintenir en permanence deux personnes dans le cockpit.

Ceci dit, la possibilité que le verrouillage du cockpit puisse être activé depuis l’intérieur de la cabine pourrait sans équivoque se montrer salutaire en cas d’agressions extérieurs et constituerait sans doute une mesure indispensable. Toutefois, ramenée à l’éventualité où le pilote esseulé pourrait délibérément bloquer l’accès au cockpit aux autres membres de l’équipage, ladite disposition se révèle comporter un risque certain sur la sécurité des vols.

 

avion-aeroport

Partant de là, nous constatons que très souvent, dans l’aviation ou ailleurs, il arrive que des dispositions destinées à résorber les risques d’incidents majeurs contribuent d’une manière ou d’une autre à les amplifier au pire ou à les déplacer au mieux. C’est le cas des drones à l’origine destinés à minimiser les pertes en vies humaines et qui, au finish, engendre des risques d’un genre nouveau : le détournement de puissance de frappes par simple piratage informatique ou encore la possibilité du survol de sites hautement stratégiques par tout citoyen sachant se servir d’un joystick.

Le monde de la finance ne se soustrait pas à ce schéma vicieux. Les affaires Kerviel en France et Barings au Royaume-Uni où la confiance aveugle en des systèmes destinés à donnés l’alerte en cas de fraude ou de pertes a fait naitre en contrepartie des risques systémiques exploitables par toute personne pouvant faire preuve d’ingéniosité. Des pertes spéculatives sans précédents ont ainsi été rendus possibles dans la durée et ont pu être confortablement dissimulées.

Alors s’il est vrai que les règles et les systèmes de prévention restent indispensables, nous ne pouvons ignorer le caractère hautement périlleux qu’ils revêtent lorsque ceux-ci sont conçus avec l’unique prise en compte de paramètres liés aux objectifs actuels et immédiats sans tenir compte de l’ensemble des cas de figures possibles à long terme. Par exemple, ouvrir sans ménagement la voie aux écoutes téléphoniques sans prévoir le risque d’un scandale sur des écoutes illicites de conversations relevant du secret d’état en est une parfaite illustration (un Watergate version téléphonique … c’est tout à fait possible !!!).

En ce qui concerne le crash de la Germanwings, nous estimons que l’erreur serait de réagir à chaud et de prendre de nouvelles mesures sans discernement réel. A peine 24h après les révélations du BEA sur les circonstances du crash, soit le vendredi 27 mars 2015, plusieurs compagnies et autorités se sont empressés de prendre des mesures à effet immédiat : les gouvernements canadiens et autrichiens, les compagnies Air Tansat, WestJet, Norwegian Air Shuttle, et même Air France dès le jour suivant.

Tout en comprenant la nécessité de rassurer l’opinion publique dans un contexte où les compagnies ne peuvent se permettre un affaissement du trafic par effet de psychose, nous persistons sur le fait que la solution définitive ne se trouve peut-être pas dans la simple présence d’une hôtesse ou d’un steward en remplacement du pilote absent. Rien n’empêche un pilote déterminé, d’immobiliser physiquement une hôtesse pour prendre seul les commandes de l’appareil. Un premier pas a été fait, certes. Nous en sommes ravis. Mais nous espérons de tout cœur que les réflexions ne s’arrêteront pas là ; qu’elles s’inscriront dans un soucis réel de couvrir la palette de risque la plus large possible, et qu’elles ne seront pas uniquement inspirées par le soucis de sécuriser les revenus immédiats au risque de laisser la porte ouverte à d’autres incidents.

 

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